Les signes de l'âge
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Big girls don’t cry

femme adulte qui pleure

Comme à chaque fois, j’ai d’abord l’impression que « ça va passer », que je vais pouvoir « me contrôler »… J’essaie de ralentir ma respiration, j’avale de longues lampées d’air.

Mon cœur, lui, n’en fait qu’à sa tête. Il pompe à tout va, se resserre, comme s’il voulait s’auto-absorber. Je me rends vite à l’évidence : mon corps lutte contre mon esprit.

Ma trachée se rétrécit, distillant l’oxygène à dose homéopathique.

Je perds pied, je m’enfonce… La détresse me submerge, étreint ma gorge. Les mots commencent à faire des sauts dans ma trachée. Ils en sortent hachés, saccadés, méconnaissables.

Alors que la première larme s’écrase lourdement sur mes notes, brouillant mon écriture, dans un sursaut d’incrédulité, je vis une expérience extra-corporelle : je deviens l’espace d’un instant spectatrice de la scène et, contemplant le ridicule de ma situation, me surprend à penser « non, ce n’est pas possible, ce n’est pas en train de m’arriver à moi« .

Rapidement, le sentiment d’impuissance fait place à ses deux cousins la colère et la honte. Une honte si forte qu’elle embrase mes joues.

Mon corps continue son mouvement de repli, comme s’il cherchait à disparaître.
J’aimerais disparaître.

femme de 30 ans qui pleure

« Pleurer comme un bébé »… ou comme une femme de 30 ans ?

Les adultes n’ont pas le droit de pleurer

Pleurer, c’est pour les bébés. Et les petites filles. Les ados, aussi, à la limite. Mais quand on est adulte, non, ce n’est plus permis. D’ailleurs, c’est ce qu’on dit aux enfants « allez, ne pleure pas, tu es grand(e) maintenant ». A croire que pleurer pourrait constituer un motif de destitution de notre statut d’adulte

Il n’y a pas de plus grande honte pour un adulte que de se mettre à pleurer devant un autre adulte. Bien sûr, plus la personne est étrangère, plus la honte est grande.

Dans la sphère personnelle, l’inacceptable est toléré. Pleurer pour la première fois devant l’être aimé constitue même un des paliers les plus importants dans la relation. La réaction de l’autre à ce moment-là est d’ailleurs un bon indicateur de la manière dont la relation va ensuite évoluer.

Pleurer devant des inconnus vous expose à leur jugement immédiat. Vous êtes mis à nu. Ni adulte, ni enfant, vous perdez votre place dans la société. Vous n’êtes plus qu’une petite chose méprisable et laide. C’est encore pire si vous êtes une femme : dans ce cas-là vous allez nourrir malgré vous tous les stéréotypes machistes possibles et imaginables, de la pleureuse à l’hystérique.

Mais s’il est un cadre dans lequel il n’est pas et ne sera jamais toléré d’éclater en sanglots, c’est bien le cadre professionnel. A moins que vous ne cherchiez une solution rapide et gratuite pour vous décrédibiliser à jamais : dans ce cas-là, ouvrez les vannes !

En cet instant de détresse, cette pensée ne m’est pas d’un grand réconfort. J’évite soigneusement de croiser le regard des deux personnes qui me toisent, j’en suis persuadée, d’un air navré. De toutes façons j’ai les yeux qui bavent tellement que je serais incapable de les distinguer.

Je me mouche bruyamment (foutu pour foutu) et accepte le verre d’eau qui m’est offert. Quitte à passer pour une gamine, j’aurais tout aussi bien pu demander un diabolo-fraise, sauf qu’on est dans le bureau de la DRH, donc ça le fait pas.

Voilà, je n’ai plus qu’une chose à faire : aller raconter ça à ma maman. Ou, chose tout aussi puérile, l’écrire sur mon blog.

Et vous, c’était quand la dernière fois où vous avez pleuré ?

27 Comments

  1. Marie says

    La dernière fois que j’ai pleuré et que j’ai eu aussi honte c’était en formation. Au regard triomphant et au sourire en coin de ma formatrice , j’ai compris qu’elle avait eu ce qu’elle voulait. Ce qu’elle n’avait en revanche pas prévu c’est l’énorme colère froide qui s’en ai suivi. Je me suis relevé elle ne m’a pas brisée.Et tu te relèveras aussi munie de ton nouveau regard de battante et emprunt de fierté! 😉

  2. C’est vrai ça, je n’y avais jamais pensé en ces termes, mais tu as exactement décrit le jugement autour des pleurs.
    Quand je pense pleurer+honte, il y en a 2 qui me viennent à l’esprit, totalement différents.
    Le premier, c’est parce que je suis (trop hyper)sensible: je racontais le pitch d’un bouquin qui me tordait tellement le coeur, que j’ai eu la larme à l’oeil…Le plus ancien, contexte professionnel, durant mon année de stage (première année face à des gamins-je suis prof), on m’avait refilé une classe horrible, 4e7 (pour donner une idée, c’était un collège où il y avait encore des « classes de niveau », les 4e1 étaient latinistes, LV2 allemand, euro italien-chinois-jamaïcain-ou presque, et les 4e7, ceux dont personne ne veut). Je les avais le jeudi matin de 11hà12h, dernière heure de la journée pour eux. Ils me pourrissaient tellement la vie, que ça m’est arrivé plus d’une fois de claquer la porte sur eux à midi, et d’éclater en sanglots. C’était dur de sortir pour rejoindre les collègues au self, en priant pour que mes yeux rouges passent pour de l’allergie… Mais bon, maintenant, quand une classe est très très ch***te, je referme la porte, je les traite très fort de ptis c*ns dans ma tête, et je pense à ce que je vais cuisiner le soir-même! 🙂
    J’arrête ce pavé racontage de vie(surtout que je vais être en retard à la gm 😉 ) Tout ça pour dire que peu à peu on se blinde! Bon courage.
    Julia.

    • J’aime beaucoup ton histoire… J’espère moi aussi réussir à m’endurcir si les situations telles que celle que j’ai vécue viennent à se répéter…

  3. Oh punaise ! Ton article tombe à pic.
    Moi la dernière fois c’était hier !
    Ah non… ce matin
    Mais ce matin discrètement je me suis eclipsée pour aller chialer dehors.
    Hier, les larmes ont roulé toutes seules sur mes joues, devant mes collègues 6 ans plus jeune que moi… La gêne !!!

    Depuis…. Mon coeur est encore plus serré.
    Mais parait que ça passera !

    • Oh… Je suis bien désolée de « tomber à point » pour toi 🙁
      J’ai déjà essayé ça aussi : aller chialer discrètement dans un coin… Sauf qu’il n’y a pas photo : ça se voit quand même quand je viens de pleurer… je suis rouge humide et boursouflée (#GlamourToujours)

    • Bah comme on dit « le temps apaise(ra) les blessures »… même celles d’amour propre, j’espère…

    • Oui, je vais te filer leurs noms et adresses et pour le reste, je veux rien savoir, je te laisse t’occuper d’eux !!!
      Ca leur apprendra !

  4. Je pleure souvent ces derniers temps notemment cet Apres midi en voyant une photo de mes grands parents adorés qui me manquent tant ! Hyper sensible, je pleure tres facilement, n’arrivant pas à gerer mes émotions notemment devant un film, en lisant un livre … Aucune honte, c’est comme cela ! Par contre pleurer fait qu’on se ride plus vite !
    Pimprenelle

  5. la dernière fois que j’ai pleuré c’était au boulot, mais je suis mon propre patron et il n’y avait aucun client en vue au moment dramatique où le barrage a cédé (ce ptikon !), en ce moment j’essaie de prendre la décision qui me semble la plus dure de ma vie, je le quitte ou pas ? Et parfois je me sens submergée de désespoir, bien entendu ça ne prévient pas…
    Mon client est arrivé pour son tatouage un peu plus tard, j’ai parlé des allergies aux pollens pour justifier mes yeux noyés =/
    C’est vrai, big girls son’t cry !
    Bisouuuus ♥ (et j’espère que ça s’est amélioré pour toi)

  6. Ben alors qu’est-ce qui t’arrive ma jolie ?
    J’ai longtemps cru que pleurer était une faiblesse. Pourtant il paraît que montrer ses émotions c’est une force. Tout ne va peut-être pas si mal alors ? 🙂

    • Oui c’est sûrement une force mais ça dépend dans quelles circonstances !
      Moi c’est rien de grave, t’inquiète… ce qui rend mes larmes encore plus honteuses…

  7. Ha ben toi tu tombes au bon moment. Je sais pas comment tu fais mais bon… hier j’ai passé ma journée au taf à cligner des yeux pour pas qu’on voie qu’ils étaient plein de larmes. A me cacher derrière mon microscope pour pas qu’on voie mes yeux rouges qui ne demandent qu’à se vider… à me moucher en mode « mais non, ça doit être une allergie »…
    J’ai réussi à ne pas craquer, mais je sais bien que je n’ai fait qu’enfouir le souci, et qu’à un moment ou à un autre il risque de resurgir, beaucoup plus violent. On verra à ce moment là…
    Je penserai à toi…

    • Oh je suis bien désolée de dire ça… j’espère que c’est rien de grave ? Et finalement à lire vos réponses à mon article, je me rends compte que mon cas n’est pas si isolé que ça… ça me rassure et me désole à la fois !

  8. J’ai pleuré y’a une heure car ma fille sera loin de moi pendant 10j. J’espère de tout cœur que ça va aller pour toi. Je trouve que pleurer n’est pas une faiblesse, c’est on ne peut plus humain, au contraire. Les larmes des autres ne m’ont jamais mis mal à l’aise.

  9. Charlie says

    Ben moi aussi, il y a quelques semaines dans le bureau de la RH. J’ai essayé de le cacher mais mes yeux rouges m’ont trahi…et elle m’a tendu une boîte de kleenex…merde…j’étais démasquée! Elle est bien équipée! Enfin bref rien de bien dramatique mais ça m’a permit de prendre pas mal de recul dans mon travail. Pas facile quand on est a 200% mais au moins les coups durs sont plus faciles a prendre et on est moins déçue.

    • Moi aussi quand la RH m’a proposé un verre d’eau j’ai eu l’impression que j’étais probablement pas la 1ère à chialer ici… :/

  10. Pour moi c’était vendredi soir quand j’ai réalisé qu’il ne me restait que 2 microscopiques jours à bosser avec ma collègue … J’en suis malade =(
    Mais j’ai déjà pleuré au travail, c’était au choix : insultes ou pleurs ..
    J’ai quand même dit des insultes dans ma barbe
    C’est la société qui nous fait ressentir la honte, alors que c’est un sentiment, une emotion aussi forte et vrai que rire.
    Il ne faut pas avoir honte je pense

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